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LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE COMME OUTIL DE PERFECTIONNEMENT DE LA DÉMOCRATIE EN FRANCE

Par Marin Maufrais

        Selon l’article 8 du préambule de la Constitution de 1946 «  Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ». De même il est fait référence à la participation des citoyens dans l’article 7 de la Charte de l’environnement et l’article 6 de la DDHC. La référence à la démocratie participative est donc inscrite par trois fois dans nos textes constitutionnels, des plus anciens aux plus récents. Cette notion de démocratie participative est souvent utilisée dans les débats politiques comme outil de perfectionnement de la démocratie française, notamment par la gauche. Notion souvent utilisée, rarement explicitée, elle demeurait un concept au contenu vague dans mon esprit et c’est la raison pour laquelle j’ai décidé de me pencher plus en détail sur cette notion pour savoir ce à quoi il était fait référence lorsque celle-ci était utilisée dans les débats politiques.

 

      Avant de définir la démocratie participative en elle-même, il s’agira de rappeler la définition de la démocratie en tant que telle. Le mot démocratie vient du grec demokratia. La définition la plus courante qui en est donnée est celle d’Abraham Lincoln, énoncée lors du discours de Gettysburg du 19 novembre 1863 :  « La démocratie, c’est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. » Cette définition, qui est la plus courante, revient à dire qu’un Etat est en démocratie, lorsque le peuple dispose de la souveraineté, conformément aux principes de l’égalité, à l’exclusion de tout pouvoir violent et arbitraire. Ce qui revient à dire que la démocratie est un mode de légitimation du pouvoir. L’individu en obéissant au pouvoir ne fait qu’obéir à lui-même. L’exercice de la démocratie a pris plusieurs formes. Il s’agit d’un régime politique dans lequel le pouvoir suprême est attribué au peuple qui l’exerce lui-même, ou par l’intermédiaire des représentants, qu’il élit.

 

       La démocratie peut s’exercer de façon directe, comme Jean Jacques Rousseau en a été un des théoriciens dans son Du contrat social. Il s’agit alors d’un régime dans lequel le peuple adopte lui-même les lois et décisions importantes et choisit lui-même les agents d’exécution. La démocratie peut s’exercer de façon indirecte où le peuple se borne à élire des représentants. Il s’agit de la démocratie représentative .Enfin, la démocratie peut s’exercer de façon semi directe. Il s’agit alors d’une variété de la démocratie indirecte dans laquelle le peuple est cependant appelé à statuer lui-même sur certaines lois. Ex : référendum, veto populaire, initiative populaire. Kelsen ayant prouvé que la démocratie est la synthèse de la liberté et de l’égalité, les régimes de « démocraties » marxistes ne seront pas étudiés ici, car ne répondant pas à l’exigence de liberté.

 

      La « démocratie participative » est quant à elle selon la sociologue Sandrine Rui l’ensemble des procédures, instruments et dispositifs qui favorisent l’implication directe des citoyens au gouvernement des affaires publiques.

 

       Enfin le mot perfectionnement signifie action de rendre meilleur.

 

    Du point de vue du droit constitutionnel, la notion de démocratie participative est ancienne et remonte aux cahiers de doléances de 1789. Cette démocratie populaire s’est incarnée dans la constitution très démocratique de 1793 non appliquée puis de façon moins démocratique dans la pratique césariste du référendum. Le droit administratif connaît lui aussi du principe de démocratie participatif depuis des décennies avec les délégations de services publics aux personnes privées, qui se rattachent au principe de participation.

 

     D’un point de vue politique et sociologique, cette notion a réellement pris son essor à la fin des années 1960. Ce concept politique s'est développé dans le contexte d'une interrogation croissante sur les limites de la démocratie représentative, du fait majoritaire, de la professionnalisation du politique et de l'« omniscience des experts ». Ainsi s'est affirmé l'impératif de mettre à la disposition des citoyens les moyens de débattre, d'exprimer leur avis et de peser dans les décisions qui les concernent. Cette nouvelle façon d'appréhender la décision politique a aussi pris de l’ampleur pour répondre au besoin éthique de statuer sur les controverses sociales et techniques issues de la troisième révolution industrielle, celle des nouvelles technologies, de la communication et de l’information et répondre aux enjeux environnementaux.

 

     Les modalités de décision liées à la démocratie représentative ont été importées des pays d’Europe du nord et d’Amérique latine. C’est ainsi par exemple que dans les années 1970, à Wuppertal  en Allemagne, le professeur Peter Dienel a créé, les premières « Planungszelle », des cellules de planifications, une forme de jury citoyens.  A la fin des années 1980, les pays scandinaves mettent en place les premières conférences de consensus. De même en 1989, dans un contexte de difficulté économique, le parti des travailleurs dans la ville brésilienne de Porto Alegre invente le principe du budget participatif consistant à associer les citoyens dans la détermination des priorités budgétaires. La Suisse a aussi un système fonctionnant sur le principe de la démocratie de participation par deux aspects majeurs. Pays relativement petit, il est divisé en cantons et fonctionne selon le principe du fédéralisme. D’autre part la participation des citoyens est accrue par la pratique très fréquente du référendum.

Le sujet concerne la démocratie participative comme outil de perfectionnement de la démocratie. A la lecture du sujet, il est implicite qu’il s’agit d’étudier la démocratie participative comme correctif aux autres formes dominantes de mise en œuvre de la démocratie, le plus souvent la démocratie représentative. Seront étudiés les démocraties contemporaines fonctionnant prioritairement sur le principe de la démocratie représentative. Toutefois, parce que le sujet est vaste, seront privilégiés les développements pratiques sur la France par souci pédagogique. Par ailleurs sera exclu le modèle très atypique suisse puisque son modèle dominant est déjà axé sur la démocratie de participation. Ainsi la démocratie participative dans ce pays ne serait pas un outil de perfectionnement de la démocratie puisqu’elle est déjà la forme dominante de démocratie. De même sera exclue l’étude du référendum dans son détail. Le référendum est une forme de démocratie participative mais son étude mériterait un exposé voire une thèse qui lui soit entièrement consacré et il n’a pas été choisi de l’étudier dans le détail, dans le souci de rester synthétique et général sur la question de la démocratie participative.

 

        Ce concept pose de grandes controverses théoriques sur lesquels les auteurs ne sont pas tous d’accord. Pour certains auteurs, la démocratie participative pourrait être une source de revivification de la démocratie proposant une réponse à toutes les limites que pose la démocratie représentative, notamment en terme de manque d’information, de légitimité, et face au sentiment de manque de participation et de compréhension des citoyens par les hommes politiques. La démocratie représentative permettrait alors une meilleure information des citoyens et donc de légitimer des décisions, ce serait aussi un facteur d’inclusion, comme l’explique la professeure Mme Cohendet. D’autres auteurs comme B. Mathieu pensent au contraire que ce n’est pas une démocratie visant à définir l’intérêt général, mais présentant à l’inverse un risque d’oligarchie puisque toute la question est de savoir « qui participe » et que cela laisse libre court aux influences des groupes de pression de toutes sortes n’ayant aucune légitimité démocratique. Des controverses existent également sur les formes que doit avoir la démocratie participative.

Sujet sur le devant de la scène politique, la démocratie participative n’en demeure pas moins un concept flou qu’il est difficile de cerner et sur lequel chacun a son avis. Il s’agira ici de définir davantage la notion, ses intérêts et ses limites en tentant de répondre à la question suivante : en quoi la démocratie participative peut-elle être un outil de perfectionnement de la démocratie ?

 

      Il s’agira d’étudier dans un premier temps la démocratie participative comme palliatif aux limites de la démocratie représentative (I) puis dans un second les limites de cette démocratie qui ne peut que compléter et non suppléer la démocratie représentative (II).

 

 

I. La démocratie participative comme correctif aux limites de la démocratie représentative

 

      La démocratie participative offre l’avantage d’accroitre la légitimité des décisions politiques prises en offrant aux citoyens la possibilité de participer et donc d’être informés, et responsabilisés (A). Par ailleurs, celle-ci s’avère efficace pour répondre à certains enjeux contemporains (B).

 

A. Une démocratie de légitimation par le partage de la responsabilité

 

      Si l’on part du constat simple des limites de la démocratie représentative, il est aisé de penser que davantage de participation des citoyens seraient une manière de répondre à ces critiques. La démocratie participative trouve une de ses raisons d’être dans les lacunes de la démocratie représentative : parlement non représentatif de la diversité de la société, éloignement des élus du terrain et de la réalité quotidienne, sentiment pour les citoyens de ne pas être compris des politiciens, méfiance envers les hommes politiques, faiblesse des contre-pouvoirs, augmentation de l'abstention...

 

      Ces limites sont à l’origine notamment de la montée des extrêmes, de l’abstentionnisme et du vote blanc. Une des explications de ces lacunes est la dissociation entre légitimité, pouvoir et responsabilité. Pour répondre à toutes les limites de la démocratie représentative, la démocratie participative présenterait les caractéristiques suivantes : l'extension du droit de vote et de sa fréquence, assortie de l'initiative législative, la concertation dynamique, sous forme de débats libres, relative à des décisions aussi bien à échelle locale que nationale, la mise en place d'un système organisé qui garantit que toutes les idées constructives et nouvelles des citoyens seront examinées de manière efficace.

 

     La démocratie participative serait ainsi un outil d’association et d’information des citoyens à la décision politique et ainsi de légitimation de celle-ci. Habermas et Jean Giquel ont montré les vertus de la délibération dans la légitimité politique. Le risque de contestation sociale est moindre lorsque la décision n’a pas été sourde aux revendications populaires. Au lieu de dicter des décisions, la possibilité d’avoir de vraies discussions permettrait au contraire de répondre à une attente légitime des citoyens.

Par rapport à la démocratie représentative et à la démocratie directe, la démocratie participative se présente comme un système mixte dans lequel le peuple délègue son pouvoir à des représentants qui proposent et votent des lois, mais conservent cependant le pouvoir de se saisir lui-même de certaines questions. La démocratie participative est un juste milieu recherché pour éviter d’opposer radicalement démocratie représentative, qui permet une réflexion de fond, et démocratie directe, qui autorise une prise de décision des citoyens sans médiation.

 

     Elle serait aussi un outil d’inclusion des citoyens et créative de liens entre les membres de la société.  Elle a l’avantage de ne pas signer un chèque en blanc aux représentants élus le plus souvent pendant 5 ans tout en se mettant en disposition d’écouter les autres. La démocratie participative a aussi l’avantage de présenter une réponse efficace à certains enjeux contemporains.

 

B. Un outil efficace pour répondre à certains enjeux contemporains

 

      La démocratie participative s’est développée dans de nombreux domaines, surtout en droit du travail, droit de l’environnement, et droit de l’urbanisme.

 

     A la différence de certains domaines où légiférer suffit, l’essentiel étant qu’il y ait une règle, si on prend le code de la route par exemple, ces domaines précités nécessitent un engagement actif des citoyens pour permettre l’accomplissement des objectifs poursuivis. C’est le cas du droit de l’environnement par exemple qui nécessite philosophiquement une prise de conscience collective pour permettre d’en atteindre les buts poursuivis. Selon les penseurs de la délibération collective tels que Jurgen Habermas, ou James Fishkin, l’impératif délibératif se fonde sur une logique simple : meilleure est la qualité du débat, plus légitime et efficace sont les décisions qui en découlent. La qualité de la procédure délibérative provient d’une “entente rationnellement motivée”. Dans les domaines précités, tous les acteurs ont un intérêt à ce qu’une entente rationnelle soit trouvée, d’où l’intérêt de leur participation et de leurs délibérations.

 

     En offrant des dispositifs qui promeuvent une participation des citoyens aux processus publics de discussion et/ou de décision et/ou de gestion et de contrôle, la démocratie participative permet de responsabiliser les citoyens dans ces domaines. Elle offre aussi une possibilité de contrôle qui là encore incite à la participation du plus grand nombre. La démocratie participative se développe de manière spectaculaire dans les débats publics. Les grandes lois font désormais bien souvent l’objet de tels débats, tel que le Grenelle de l’environnement qui est un ensemble de rencontres politiques organisées en France en septembre et décembre 2007, visant à prendre des décisions à long terme en matière d'environnement et de développement durable. Ce fut aussi le cas de l’Agenda 21 visant à la préparation de la COP 21, où les collectivités territoriales ont été associées au processus de délibération.

La démocratie participative s’est aussi développée de façon spectaculaire au niveau local pour deux raisons. D’une part, comme l’affirmait Descartes « le bon sens est la chose la mieux partagée » or les décisions locales font souvent appel au sens pratique des citoyens. Par ailleurs, la démocratie participative bénéficie au niveau local de ce que Mme Cohendet appelle « la micro politique » à savoir la combinaison d’un désintérêt pour les grands débats nationaux et idéologiques mais une volonté de mobilisation pour des luttes de terrains où les citoyens savent qu’ils auront une réelle capacité de d’influence et de capacité pour faire progresser des dossiers de façon concrète. Des villes comme Paris ou Grenoble ont ainsi mis en place des procédures de budget participatif.

 

         C’est ainsi que de nombreuses procédures relevant de la démocratie participative se sont développées : représentation des usages dans les services publics, les assemblées, le référendum, les conseils de quartier, les fonds de quartier, les budgets participatifs, conseils communaux de jeunes, le développement communautaire, les jurys citoyens, les sondages délibératifs, les commissions consultatives…

 

       Cette forme de démocratie permet aussi d’adapter les processus démocratique aux évolutions technologiques et ainsi d’utiliser internet, les réseaux sociaux et les sondages délibératifs que permettent ces révolutions numériques dans le sens d’une participation du plus grand nombre, et permettent une plus grande transparence et visibilité.

 

          De nombreux développements existent également sur la question de l’usage du référendum. Il a été dit en introduction que son étude ne serait pas poussée. Il sera fait ici allusion au fait que dans les faits les référendums français ont toujours jusqu’à présent trouvé leur origine dans une initiative des membres de l’exécutif, le plus souvent du président et non d’une initiative populaire. Il existe dans la constitution la possibilité pour les citoyens de proposer un référendum populaire s’il est appuyé par 1/5 des parlementaires et 1/10 du corps électoral. Cependant cette deuxième condition nécessitant près de 4 millions de personnes est inatteignable dans les faits et c’est une des raisons pour lesquels il a été proposé par des candidats à la présidentielle d’abaisser le seuil de citoyens nécessaires pour faire porter une question à référendum.

 

      Si ces procédés participatif permettent la création d’un lien entre les citoyens, et permettent de renforcer la légitimité de certaines décisions, ils n’en demeurent pas moins sources.

 

 

II. Une forme de démocratie ne pouvant que compléter la démocratie représentative

 

      La démocratie participative est souvent critiquée pour être juridiquement difficile à délimiter car très hétérogène (A) par ailleurs son utilisation peut être pervertie car demeure la question de savoir « qui » participe (B) au point qu’il apparait que la démocratie participative ne peut pas en l’état remplacer la démocratie représentative mais ne peut être pensée que comme complémentaire à celle-ci.

 

A. Une forme de démocratie juridiquement difficile à délimiter

 

       La première critique formulée à l’égard de la démocratie participative, notamment par des auteurs comme Loïc Blondiaux est qu’il n’existe pas de cadre légal précis de la démocratie participative. Cette formule regroupe en elle-même une grande hétérogénéité de procédés. Il est difficile d’en cerner le contour et le degré de participation qu’il faut intégrer : consultation, concertation, coélaboration, référendum… Niveau local, ou national, permanent ou ponctuel. Derrière le même label se trouvent des réalités très différentes.

 

      De fait, comme l’explique Sandrine Rui, cela explique que le ton employé est parfois ironique et sarcastique. Décriée pour sa texture de slogan « fourre-tout », moquée pour ses allures de « pléonasme », controversée en raison de son caractère flou et inconsistant et de la confusion conceptuelle qui l’accompagne, la notion de démocratie participative fait, de fait l’objet de constantes spécifications. Certains auteurs critiquent la formule commerciale qui selon les contextes prend différents noms. Des auteurs comme Dominique Rousseau se sont montrés perplexes et même réservés à l’égard de cette expression qui selon lui ne veulent pas dire grand-chose.

 

      D’autres auteurs mettent aussi en garde sur les effets pervers dans l’opinion qu’une telle formule peut avoir si elle prend un aspect trompeur. S’il est fait référence à la démocratie « participative » ce qui implique une participation, mais que dans les fait seule une consultation des citoyens est faite et que la décision finale reste au bon vouloir du responsable politique, les citoyens pourraient alors le sentiment d’avoir été lésés, développant ainsi cynisme et rejet de cette forme de démocratie qui à l’origine ambitionnait d’avoir leur adhésion. La démocratie participative mal employée peut ainsi se retourner contre son auteur. Une autre critique qui a été faite à propos de la démocratie participative concerne les risques de perversion de son utilisation.

 

B. Une forme de démocratie présentant des risques d’utilisation pervertie

 

        Une autre critique qui a été formulée à l’égard de la démocratie participative est de savoir qui participe. Il s’agit ici de questions qui soulèvent de profondes controverses doctrinales sur lesquelles tout le monde n’est pas d’accord. Sur ce sujet politique sensible où chacun a son avis, il s’agit ici de mettre en lumière les critiques qui ont été faites à la démocratie participative après en avoir souligné les mérites dans la première partie de cet exposé. Les critiques les plus importantes seront ici présentées.

La première a été soulignée par le professeur B. Mathieu qui explique qu’il existe un risque que ce mode d’exercice de démocratie puisse entraîner la création de tendances oligarchiques. En effet, celui-ci souligne qu’en demandant au peuple de participer, à la société civile donc, ce serait à différents groupes de pression que la possibilité d’intervenir dans le débat reviendrait. Il a opposé aux partisans de la démocratie participative qu’il est impossible de ne pas tenir compte de l’aspect réaliste qu’implique la participation des citoyens, avec tous les défauts, les égoïsmes, et les intérêts des uns et des autres. Une critique qui revient souvent est que la démocratie participative serait une démocratie de lobbies. Des auteurs avancent que la décision promue serait une décision de consensus communautaire entre des intérêts divergents, mais qui ne serait pas forcément compatible avec l’intérêt général. La question est de savoir s’il faut être socialement sélectif pour que la légitimité d’une telle décision soit reconnue, et si le seul fait qu’un représentant d’une catégorie sociale soit là suffit à légitimer la décision, même si celui-ci n’était pas en position de force. Dans le cas contraire la démocratie participative pourrait être un facteur d’exclusion des catégories sociales les plus fragiles.

 

         Une des conséquences de cela concerne le principe de responsabilité évoqué en première partie mais étudié ici selon un angle différent. Dans un système de démocratie représentative, il est facile de savoir qui a le pouvoir et donc qui est responsable de ses actions. Dans la démocratie participative, le pouvoir est diffus et B. Mathieu a ainsi expliqué que concrètement, il s’agissait d’une « irresponsabilité généralisée ». Dans la mesure où on n’identifie pas qui a le pouvoir, ce sont des groupes de pression et des minorités qui agissent dans l’ombre. Tous ces groupes et institutions ont pour trait commun de n’être ni désignés ni contrôlés par le suffrage universel et donc d’échapper au principe démocratique de la responsabilité politique devant le peuple. La seule légitimité des personnes participantes est d’être citoyen.

     

        Il est par ailleurs soulevé par certains que la démocratie participative promeut une vision « idéalisée » du citoyen. Il est en effet attendu de lui qu’il soit informé et instruit sur les questions sur lesquels il lui est demandé de participer. Les citoyens sont assimilés à des experts en mesure de décider de tout. Ce qui n’est pas toujours le cas. Or dans le cas où les citoyens tirés au sort pour rendre une décision n’en métriseraient pas les enjeux, le pouvoir revient dans les faits à l’organisateur du débat qui peut l’orienter selon ses motivations et manipuler plus facilement les citoyens participants. C’est une des critiques qui est souvent formulée à l’encontre des jurys citoyens ou à l’encontre de certains maires qui profiteraient de cette occasion pour faire du clientélisme, renforcer leurs bases électorales et leurs pouvoirs en concentrant tous les pouvoirs de décisions finales dans leurs mains, à la façon des plébiscites bonapartistes.

 

      De plus une autre critique est qu’il s’agit d’un processus de légitimation d’une décision non sur le contenu substantiel de celle-ci mais sur son processus et que celui-ci peut être détourné de ses objectifs initiaux.

 

      Enfin, dans le cas où le peuple exprimerait de façon permanente et spontanée sa souveraineté, cela peut faire peur selon la théorie de Carl Schmitt selon laquelle le peuple assemblé est incorporé dans le chef qui fait le droit. Ainsi en l’état, la démocratie participative telle qu’elle existe ne peut pas remplacer purement et simplement la démocratie représentative. Il faut plutôt penser les rapports entre ces deux modes d’exercice de la démocratie de façon complémentaire. Il ne s’agirait pas de remettre en cause la responsabilité des élus mais de permettre de renforcer leur légitimité en améliorant l’information des citoyens et en leur permettant de se réapproprier la chose publique.

 

 

Marin Maufrais 

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